Le 02/12/2025
La transition énergétique accélère la demande mondiale en métaux critiques, confrontant les entreprises européennes à des tensions d’approvisionnement croissantes. Une étude récente de La Fabrique de l’Industrie éclaire les risques, les leviers d’action et les perspectives de relocalisation pour sécuriser durablement ces ressources stratégiques.
La demande mondiale en métaux a explosé depuis cinquante ans, portée par l’essor économique global et la transition énergétique. Entre 1970 et 2019, elle a été multipliée par quatre, un rythme 2,5 fois plus élevé que la croissance démographique mondiale. À mesure que les usages s’électrifient — batteries, moteurs électriques, panneaux photovoltaïques — les tensions entre l’offre et la demande se renforcent, annonçant des pressions durables sur les prix et la disponibilité des ressources.
Une dépendance forte, largement façonnée par la Chine
L’étude montre que l’industrie européenne reste très dépendante d’un petit nombre de pays producteurs, au premier rang desquels la Chine. Cette dernière a anticipé la criticité des métaux non ferreux dès les années 1980, structurant une stratégie d’intégration verticale fondée sur des investissements massifs dans les pays miniers, notamment la République démocratique du Congo pour le cobalt. Dans ce contexte, l’accès aux métaux devient un instrument géopolitique. En 2025, la Chine a instauré de nouvelles restrictions à l’exportation sur les terres rares et les aimants permanents, tandis que le Gabon a annoncé un futur embargo sur le manganèse à horizon 2029.
Des chaînes de valeur fragilisées et une prise de conscience accélérée
Les crises récentes — pandémie, guerre en Ukraine, pénurie de semi-conducteurs — ont mis en lumière la vulnérabilité des entreprises. De plus en plus de directions achats considèrent la sécurisation des approvisionnements comme une priorité stratégique croissante (INSEE, Baromètre CNA–AgileBuyer). Face au risque d’arrêt de production, plusieurs groupes français ont réagi rapidement. Airbus et Safran ont ainsi réduit leur dépendance au titane russe en diversifiant leurs sources et en rachetant Aubert & Duval, leur fournisseur d’alliages stratégiques.
Une palette de leviers pour sécuriser les approvisionnements
L’étude recense un ensemble de leviers, classés selon leur complexité organisationnelle : contractualisation long terme, diversification des fournisseurs, couverture financière, relocalisation, intégration verticale ou encore substitution matière.
Diversification des fournisseurs : un levier immédiat mais partiel
C’est le premier outil mobilisé par les industriels. L’Union européenne vise d’ailleurs à réduire tout risque de dépendance excessive : aucun pays tiers ne devra représenter plus de 65 % des importations d’un métal stratégique d’ici 2030 (CRM Act).
Intégration verticale : sécurisation à la source mais investissement lourd
Pour répondre à leurs besoins croissants, Stellantis et Renault nouent désormais des partenariats directs avec des groupes miniers, allant jusqu’à prendre des participations dans les projets d’extraction de métaux pour batteries (lithium, nickel, manganèse).
L’étude montre que remplacer un métal critique revient fréquemment… à en utiliser un autre, lui-même stratégique. Par exemple, substituer le néodyme ou le dysprosium dans les aimants peut conduire à utiliser davantage de cuivre ou à recourir à d’autres terres rares. Certaines substitutions technologiques (batteries LFP, moteurs électriques sans terres rares) déplacent aussi la dépendance vers la Chine, leader de ces technologies.
Recyclage : un levier clé mais encore limité par la disponibilité des déchets
De nombreuses entreprises françaises émergent dans le recyclage des métaux stratégiques — ROSI Solar, WEEECycling, Carester — mais leur capacité dépend étroitement de l’accès sécurisé aux déchets, soumis aux aléas du commerce international.
Vers des chaînes d’approvisionnement régionalisées
L’Europe ambitionne de couvrir 10 % de ses besoins en extraction et 40 % en raffinage de métaux stratégiques d’ici 2030 (CRM Act). En France, le potentiel minier existe : lithium en Allier (Beauvoir), graphite, tungstène, germanium… Plusieurs gisements sont en cours de réévaluation, et le lithium géothermal d’Alsace ouvre de nouvelles perspectives. Si la relocalisation apparaît indispensable pour réduire les risques, elle reste coûteuse et dépendante de la capacité du marché européen à préférer l’offre locale à l’offre asiatique, souvent moins chère mais plus risquée géopolitiquement.
L’étude met en évidence une réalité désormais incontestable : la sécurité d’approvisionnement en métaux critiques est devenue un enjeu stratégique central pour l’industrie française et européenne. Les leviers existent — diversification, intégration verticale, recyclage, relocalisation — et les entreprises commencent à les mobiliser. Toutefois, sécuriser ces ressources exige une action coordonnée entre industriels, territoires, et pouvoirs publics.
Pour les acteurs économiques de Seine-et-Marne, territoire d’industries, de logistique et d’innovation, cette évolution représente à la fois un risque à anticiper et une opportunité à saisir pour renforcer la souveraineté productive.
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